De retour du parc de Sajama, un des passagers du minibus offre à l’habitacle un doux parfum virevoltant entre le lait caillé et le Poney Club. Après trois heures de route parfumées, on continue de voir le volcan se projeter au loin, dépassant de loin toutes les autres montagnes.
Plusieurs changements et douze heures de transport sont nécessaires pour rejoindre la ville chargée d’histoire de Potosí, épicentre de la conquête espagnole en Amérique du Sud au 16ème siècle.
Sa montagne d’argent, le Cerro Rico (colline riche) fut la source, désormais tarie, d’une richesse inestimable qui permis à l’Europe de se développer et d’entamer sa course vers le capitalisme moderne. Potosí, au temps de sa splendeur, rivalisait avec les Paris et Londres de l’époque. Mais les temps ont depuis changé. Elle atteint aujourd’hui, non sans une certaine fierté, la taille d’une ville impériale comme Dijon.
Que ce soit d’épuisement ou de maladies (liés à la silice, au mercure, à l’amiante…), des millions d’indiens, ainsi que des esclaves africains, périrent dans l’exploitation de ces mines à la sortie desquelles les espagnols récupéraient tranquillement le métal blanc.
Dans l’hôtel de la monnaie, celui-ci était transformé en pièces et en objet précieux qui inondèrent l’Europe et probablement aussi une partie de l’océan atlantique lors des nombreuses traversées de galions qui effectuaient le lien entre les deux continents.
Le christianisme s’implanta chez les indigènes et de nombreuses églises de style baroque firent surface au pied de la montagne d’argent. Disséminées un peu partout en ville, on les découvre en flânant mais notre foi inébranlable en notre seigneur Jésus-Christ est sérieusement mise à mal lors d’une visite bourantissime de ce musée sans âme qu’est le couvent San Theresa. Dieu soit loué, la réconciliation vient lors d’une visite de la cathédrale, en pleine rénovation, nous offrant une vue panoramique sur les toits du vieux quartier de Potosí.
Ajouté à cela un petit filet de lama au poivre le soir venu, et c’est quasiment l’illumination…
Mais il est temps de s’approcher et d’approfondir la visite dans les méandres de la montagne. Par chance, nous partons tous les deux, sans les habituels groupes de huit personnes, en compagnie d’Antonio, un ancien mineur reconverti en guide.
Pour préparer l’entrée dans l’une des nombreuses mines qui percent la montagne, on fait un premier détour par le marché aux mineurs dans lequel nous achetons deux menus happy meal. Celui du mineur concocté à base de feuilles de coca, d’un catalyseur et d’une fiole d’alcool à 96 degrés. Ainsi que celui du terroriste concocté à base d’un bâton de dynamite, d’une mèche, d’un détonateur et de micro-billes d’essence solidifiée. Tout cela, bien sûr, en vente libre, pour la modique somme de 6 euros.
Comme nous le fait remarquer Antonio, on trouve plus facilement de la dynamite ici que du chocolat en suisse et ça permet de creuser encore plus le gruyère qu’est devenu le Potosí au fil des siècles.
On s’essaye aux feuilles de coca mâchées qui, associées au catalyseur (poudre d’arbre de quinoa et de pommes de terre), font ressortir l’alcaloïde nous anesthésiant en partie la bouche et la langue. Avec cette seule mixture, les mineurs assurent le travail durant dix heures sans manger. Sans cela, ils ne tiendraient pas alors qu’ils ont déjà une espérance de vie proche de 40 ans…
On verse sur le sol une dose pour la Pachamama (terre-mère), une dose pour les mineurs et on termine par une dernière petite gorgée de cet alcool oune poco fuerte (pas sûr qu’il existe plus fort que ce truc).
On enfile ensuite la panoplie pour aller en discothèque (casque, lampe, combinaison, sac plastique sur les chaussettes et bottes) et on se dirige vers l’une des mines de la coopérative pour laquelle Antonio travailla entre 14 ans (âge minimum) et 19 ans.
A l’entrée de la mine, du sang de lama a été badigeonné sur les poutres et les parois dans le but de protéger les mineurs. Nous descendons l’échelle et parcourons recroquevillés la mélasse de boue présente sur le chemin des chariots. Petit arrêt oblige pour des offrandes à El Tío, le George Clinton de Potosí, dieu et figure masculine qui assure la fertilité de la Pachamama en bons filons d’argent. Quelques feuilles de coca sur les mains pour la force, sur les pieds pour la concentration et sur le sexe (de pierre) pour la fertilité de la terre.
Ainsi protégés par le père du P-Funk, nous partons pour une descente pourtant peu funky jusqu’au 6ème niveau de la mine. A mesure que nous avançons, les conduits se font de plus en plus étroits et il commence à faire de plus en chaud. Les filons ont été épuisés avec le temps, obligeant les mineurs à creuser de plus en plus profondément.
Une expédition déconseillée aux claustrophobes où nous rampons à certains endroits, s’agrippons aux parois lors de passages vraiment délicats et comprenons plusieurs fois l’intérêt du casque. On n’ose imaginer ce que doit être le bout de cette mine, une fournaise située au 14ème niveau alors que tout se resserre en entonnoir.
Le temps d’observer quelques filons d’argent, nous empruntons le même chemin au retour et ressortons à l’air libre, aveuglés par la lumière du soleil.
Nous n’y sommes restés que deux heures mais cette visite nous aura quand même pas mal fatigué, mine de rien…
On rentre alors prendre une douche et un petit apéro léger avec la petite famille d’Hervé et Stéphanie (voyageant pendant un an en assurant l’école de leurs enfants) suivi d’un apéro plus corsé avec François, Caroline et Nicolas que nous reverrons probablement vers la fin de notre voyage.
La Bolivie est le premier pays où nous rencontrons autant de français (notamment en famille). De plus, les boliviens que nous rencontrons sont sympas, souriants et moins durs qu’ils n’y paraissent. C’est cool…
Salut les amis !
Un petit coucou en direct de Paris où la vie s’écoule comme le divin nectar issu d’un assemblage 30 % Cours Saint-Emilion 70 % Seine. 2013 est un bon millésime mais 2014 s’annonce meilleur si vous êtes dans le coin 😉
Je continue à suivre vos aventures et j’en profite pour te dire, Adrien, que toi en tenue de mineur c’est un bel hommage à ton grand-père, la boucle est bouclée !
Grosse bise !
Rémi
Yo jeune Couz’ !
Ouais j’y ai pensé ! Dédicace au grand-père !
On se voit en 2014 pour fêter les retrouvailles autour d’un pinard argentin !
Biz les just married !
Chapeau les Atomic Dogs! Concernant l’apport de l’argent a « l’essor » du capitalisme en Europe, petite rectification: il n’a apporte rien d’autre que de l’inflation, c’est meme grace a lui qu’on a fait le lien entre masse monetaire (argent et or a l’epoque) et niveau de prix, MV=PY quoi! Allez je ne vous saoulerai pas plus, bons baisers de Hong Kong ou l’ambiance est legerement moins roots et Bruce davantage present que George.
PS: les photos de votre post precedent font vraiment rever, un mix du meilleur de l’Utah et de l’Islande, ca m’a carrement donne envie de louer un camping car pour y aller avec les fistons
Yo Doc !
Merci pour ta rectif d’économiste ! Toujours une source plus sûre que le guide du Croutard !
Sajama était vraiment fabuleux. Ces hauts plateaux andins sont plus sympas que ces plateaux véliziens !
SeeU soon Bruce. On se voit en 2014.
PS : Frank Ocean est un peu notre référence depuis pas mal de temps. Certaines ziks sont assez exceptionnelles ! Thanks for the decouverte !
PS 2 : Le marché black en Argentine fonctionne à merveille. Pouvoir d’achat augmenté de 57% ! Merci pour ce petit trucs & astuces Docteur !
Pouvoir d’achat augmente de 57% pour pouvoir ecouter sweet life et pilot jones en toute quietude: ca fait bien plaisir, je t’embrasse frere!!!
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